Oct 14, 2021

Librairie technique

L'impact des défauts de conception des équipements sur la maintenance et l'exploitation dans l'industrie pharmaceutique

Il arrive que des opérations de maintenance sont rendues difficiles par la conception de l'équipement. Avec des équipements construits sur mesure, tels qu'utilisés dans l'industrie pharmaceutique, de nombreuses difficultés entrent en jeu, la conception en elle-même, les contraintes d'installation et les règles et réglementations pharmaceutiques. 

Dans les premières années d'exploitation, le plan de maintenance correspond idéalement à la technique et à la technologie mises en place. Avec le temps, celui-ci doit, non seulement, s’adapter à l’obsolescence progressive des équipements installés à l’origine, mais aussi prendre en compte les besoins non identifiés lors de la conception de l’installation. 

Dans l'exemple ci-dessous, une opération de maintenance considérée comme basique, a nécessité des moyens considérables, car l’environnement technique et opérationnel n’avait pas été prévu lors de la conception de l’installation.

Description du système

Le procédé de production utilise de grandes quantités d'éthanol hautement inflammable. L'éthanol usagé, mélangé à de l'eau et de la célite est récupéré pour être détruit. L'éthanol étant en contact avec la molécule produite, il doit être conforme aux directives pharmaceutiques les plus strictes. Le bâtiment est en production de routine depuis des années et la maintenance du système d'éthanol est supervisée par un ingénieur expérimenté avec une équipe de techniciens expérimentés.

La zone de stockage d'éthanol est équipée de six cuves d'éthanol neuf et de six cuves d'éthanol souillé. Chaque cuve a une capacité de 15 mètres cubes et est montée horizontalement. Les cuves d'éthanol souillé sont montées au sol avec les cuves d'éthanol neuf installées au-dessus. L'installation alimente une production de protéine injectable et respecte les normes internationales associées.

L'éthanol étant hautement inflammable, les équipements de stockage et de distribution doivent respecter les règles ATEX. ATEX signifie « atmosphère explosible ». Les vapeurs d'éthanol sont plus lourdes que l'air et ont tendance à s'accumuler au niveau du sol. La LIE « Limite Inférieure d’explosivité » est de 3,3% dans l'air. Cela signifie qu'au-dessus de 3,3% de vapeurs d'éthanol dans l'air ambiant, toute étincelle générera une explosion.

Description de l'équipement

Les caractéristiques d'installation, décrites ci-dessous, sont parfaitement adaptées aux contraintes opérationnelles :

  • La zone de stockage, haute de trois étages, est principalement sous le niveau du sol. La zone de stockage est un bâtiment indépendant relié au bâtiment de production par un tunnel.
  • L'approvisionnement en éthanol neuf de la production et la collecte de l'éthanol souillé se font par des tuyauteries rigides, des pompes et des vannes automatiques.
  • Une grande bouche d'aération, proche du plafond, alimente le local de stockage en air frais.
  • Un extracteur d'air, conforme aux normes ATEX est installé sur le toit du bâtiment et aspire l'air à 30 cm au-dessus du sol. Le système est conçu pour extraire toute fuite de vapeur d'éthanol hors de la zone de stockage.
  • Un système d'extinction d'incendie autonome est installé avec la capacité de remplir la zone de stockage de mousse.
  • Un système de détection de gaz est installée.
  • Des procédures claires et adéquates pour l'accès du personnel sont en place et utilisées.

L'action à effectuer

Le plan d'entretien prévoyait le remplacement d'un joint de trou d'homme sur les cuves. Cette tâche basique et simple s'est avérée ardue à organiser et à exécuter. 

La règle de sécurité la plus élémentaire lors de l'ouverture d'un récipient de stockage de produits hautement inflammables est de s'assurer qu'il est vide et exempt de toute vapeur inflammable résiduelle. Après avoir totalement vidé le récipient, il faut le rincer et le ventiler avant de prendre une mesure de gaz résiduel.

Problèmes rencontrés

C'est là que certains défauts de conception gênants sont apparus :

  • absence d'alimentation en eau et en air comprimé de qualité pharmaceutique du bâtiment de stockage d'éthanol.
  • Absence de connexion de réserve sur les cuves pour une éventuelle alimentation en air ou en eau.
  • L'éthanol souillé contient de la célite, une poudre minérale poreuse, qui s'accumule au fond des cuves. Comme les récipients sont installés horizontalement, une grande quantité de célite saturée en éthanol resté à l'intérieur après vidange totale des cuves.

Aucun remplacement de joint de trou d'homme n'avait encore été effectué, et il n'y avait aucune procédure pour le faire.

Définition et mise en oeuvre du plan d'action

La première approche consista à inonder les cuves vides avec de l'eau de qualité pharmaceutique avec une tuyauterie temporaire, par la connexion d'un instrument démonté. Hormis le problème de sécurité lié au retrait de l'instrument sous atmosphère explosible, la capacité de production n'était pas suffisante pour un volume d'eau de process aussi important, particulièrement lors de l'arrêt pour maintenance.

S'il était impossible d'éliminer le risque, il fallait le ramener à un niveau acceptable. Les principales préoccupations étant de maintenir la concentration de vapeur d'éthanol bien en deçà de sa LIE « limite inférieure d'explosivité » et d'empêcher que l'opérateur remplaçant le joint ne respirer de vapeur d'éthanol. Une analyse de risque a été organisée avec les services ingénierie et HSE pour déterminer et valider l'approche la plus sûre. Les principaux points mis en avant à l’issue de cette analyse de risques sont les suivants :

  • Location d'une centrale de traitement d'air pour souffler l'air de l'extérieur par la bouche d'alimentation en air neuf. L'objectif étant d’améliorer le flux d’air vers le bas.
  • S’assurez que l'extracteur d'air a été réglé à sa capacité maximale.
  • Location d’un échafaudage pour accéder aux cuves supérieures.
  • Mise en place et formation d’une équipe de trois personnes pour l'intervention, suivant le principe appliqué pour une entrée en espace confiné : un opérateur, un assistant et un observateur.
  • Mise en place d’une détection de gaz supplémentaire.
  • Équiper l'opérateur d'un détecteur de gaz monté sur la poitrine.
  • Port de vêtements de protection de type intervention chimique.
  • location de quatre ARI « Appareils Respiratoires Individuels ». Un pour chaque personne impliquée et un de réserve. Un ensemble de bouteilles d'air de réserve a également été fourni, sur la base d'une consommation de deux remplacements de joint de trou d’homme par bouteille et par intervenant. (photo https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/rayong-thailand-february-09-2018-emergency-1021415548)

Conclusion

Le temps d'intervention typique pour un remplacement de joint de trou d'homme est d'environ 15 minutes. En ajoutant le temps de préparation de l’intervention, on arrive, pour les douze cuves, à une journée de travail pour un technicien. Dans notre cas, le temps de travail équivaut à 6 jours homme pour l'intervention, 2 jours homme pour la logistique et environ 10 jours homme pour la préparation et l'organisation. Cela représente 18 jours-homme au lieu d'un, auquel il faut ajouter le coût de location d'équipement spécialisé.

L'ingénieur de maintenance étant formé à la lutte contre l'incendie et à la gestion d'urgence des déversements chimiques, il était en mesure de prendre en main la préparation et l'organisation de l'intervention. Un grand soin a été apporté à la revue et à l'approbation de la procédure d'intervention par le HSE et la direction. Le remplacement des joints de trou d’homme a été effectué par l'ingénieur de maintenance lui-même, car aucun technicien de maintenance n'avait la bonne formation pour utiliser un ARI. La présence d'un professionnel expérimenté avec la bonne formation a permis de pallier aux lacunes du matériel.

Ce cas met en évidence qu’une lacune dans la prise en compte des besoins opérationnels de base peut rendre des tâches simples, très compliquées à mettre en œuvre. La conception de l'installation remonte à environ 25 ans et, de nos jours, l'exploitation et l'analyse des risques à l'étape de la conception sont plus largement utilisées. Pourtant, selon les personnes réunies autour de la table, il est encore facile de points pouvant générer des situations complexes des années après la mise en service de l’installation. C'est là que la capacité d'une société d'ingénierie à fournir des professionnels hautement qualifiés et expérimentés dans divers domaines d'expertise, devient un atout dans la qualité de conception de nouveaux systèmes.

  • Tout ce que vous devez savoir sur le programme CPV

    Selon le processus de la FDA, les conseils de validation sont divisés en 3 étapes...

  • Événement N'tech : Première étape dans la résolution de problème : la méthode the Root Cause Analysis

    Le diagramme Ishikawa, les 5 Pourquoi... déterminez quelle est la vraie source du problème

  • Le cycle V dans le monde pharmaceutique

    Le cycle en V est un modèle d'organisation de gestion de projet découpé en...